Déclaration de 9 élus du CSE Construction
Nous nous interrogeons sur les avantages de cet Accord de Performance Collective (APC) pour les salarié·es, aujourd’hui et demain, qu’ils soient à temps complet, à temps partiel ou en retraite progressive.
La direction affirme que « rien ne change ». Pourquoi alors ces interrogations légitimes ?
Cet APC porte sur l’intégration des primes d’ancienneté et de région dans le salaire de base.
Selon le préambule, l’objectif annoncé serait d’harmoniser les rémunérations pour faciliter le recrutement.
Cela peut s’entendre pour la prime de région, qui ne concerne qu’environ 15 % de l’effectif, mais qui peut effectivement constituer un frein à la mobilité interne — beaucoup moins à l’embauche.
Cependant, la prise en compte du coût de la vie selon les régions est un facteur objectif et parfois différenciant par rapport à nos concurrents.
Concernant la prime d’ancienneté, elle concerne un groupe fermé (salarié·es déjà présent·es dans l’entreprise), soit également environ 15 % de l’effectif.
Son impact sur les embauches est donc nul.
En réalité, nous pensons que derrière des arguments discutables, la direction souhaite réduire les coûts liés à l’ancienneté, notamment en appliquant l’article 5.1 de la Convention collective Syntec concernant l’attribution des jours de congés supplémentaires pour ancienneté.
Or, légalement, sauf disposition contraire dans l’accord créant le groupe fermé, l’entreprise doit à la fois verser la prime et attribuer les jours de congés correspondants, soit jusqu’à 4 jours supplémentaires.
De plus, l’ancienneté progresse continuellement : les montants de prime seraient donc amenés à augmenter chaque année.
Ainsi, les motivations réelles de l’accord semblent davantage liées à la recherche d’économies sur le dos des salarié·es qu’à une prétendue nécessité de compétitivité salariale.
Incidences de l’accord
● Les salarié·es bénéficiant de la prime d’ancienneté seraient perdants en cas de passage à temps partiel.
Jusqu’ici, cette prime n’était pas proratisée ; intégrée au salaire, elle le sera, entraînant une baisse du salaire, et donc une baisse de l’ensemble des éléments calculés sur ce salaire (intéressement, participation, prime vacances, 13ᵉ mois…).
● À l’inverse, les salarié·es actuellement à temps partiel bénéficieraient d’un gain s’ils repassent à temps plein, puisque le salaire de base augmentera mécaniquement.
● La suppression de la prime de région uniformise les rémunérations sans tenir compte du coût de la vie, notamment dans les DOM-TOM.
Cela risque d’accentuer les difficultés de recrutement — exactement l’inverse de l’objectif affiché.
De notre point de vue, cet accord ne vise pas à améliorer le recrutement, mais à réduire et contenir les coûts de production.
Nous restons aussi perplexes quant à l’utilisation d’un APC, alors même que la direction renonce à licencier les salarié·es qui refuseraient l’accord.
Or, l’application automatique sans avenants est précisément la raison d’être d’un APC.
Risques potentiels de l’APC sur la progression salariale et les augmentations prévues par la CCN Syntec
● Risques d’impact sur les augmentations individuelles et collectives.
L’intégration des primes dans le salaire de base simplifie la structure salariale mais peut réduire la lisibilité et la flexibilité des augmentations futures.
Même si l’accord affirme la neutralité de l’intégration, la disparition de primes dédiées peut limiter certains leviers d’augmentation.
● Risques liés à la mise en œuvre.
Dans un APC standard, le refus entraîne un licenciement pour motif réel et sérieux.
La direction renonce à ce droit, mais rien ne garantit que cette position ne change pas à l’avenir.
Cela peut créer une pression implicite sur les salarié·es pour accepter l’accord.
● Risques sociaux et juridiques.
L’intégration des primes peut donner un sentiment de perte d’équité et impacter la motivation.
La CCN Syntec impose des minima, certes respectés, mais l’effet de l’APC sur les mécanismes d’évolution reste à surveiller.
● Effet possible sur la NAO (Négociation Annuelle Obligatoire).
L’uniformisation salariale peut restreindre les marges de négociation.
Il faudra être particulièrement vigilant pour éviter que les futures revalorisations prévues par la CCN Syntec ne soient impactées négativement.
Analyse complémentaire d’un camarade
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Perte de salaire pour les salarié·es ayant une prime d’ancienneté en cas de passage à temps partiel (prime désormais proratisée).
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Impact négatif sur l’intéressement, participation, prime vacances, 13ᵉ mois.
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Minima à l’embauche abaissé : passage de SMIC + prime région (2 018,80 €) au SMC (1 815 €), soit une perte de 203,80 € / mois, plus les impacts sur les autres primes.
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Seul point positif : les salarié·es exonérés de prime région lors de mutations hors zones concernées gagneront en stabilité salariale.
Cadre juridique : rappels
Article L2254-2 du Code du travail – définit l’APC et ses domaines de modification : durée du travail, rémunération, mobilité… Les clauses de l’APC prévalent sur les contrats de travail.
Article L2232-11 – encadre la négociation d’un APC au niveau de l’établissement ou du groupe.
L’accord remplace donc les clauses contraires des contrats, sans qu’aucun avenant ne soit nécessaire.
Conclusion
Nous avons du mal à comprendre l’intérêt de cet accord signé aussi rapidement, à la veille des fêtes de Noël, en pleine NAO et pendant d’autres négociations stratégiques.
Cet accord n’apporte aucun droit nouveau ; il en supprime même pour les générations futures.
Il s’impose à toutes les filiales du groupe Socotec.
Nous demandons donc s’il est possible de revenir en arrière pour un examen plus approfondi, permettant d’assurer la protection des salarié·es, alors même que la direction revendique des millions d’euros de bénéfices.
Nous interrogeons également la direction sur l’existence éventuelle d’autres projets préparés en amont, non présentés aux organisations syndicales, ce qui poserait un problème sérieux de transparence et de loyauté.
Nous demandons enfin que cessent en séance les méthodes visant à mettre la pression sur les représentants du personnel, rappelant que notre rôle est de défendre les salarié·es.
La présente déclaration doit être intégrée in extenso au procès-verbal du CSE extraordinaire du 12 novembre 2025.
Signataires :
Corinne Bertrand, Richard Letourneur, Aline Gaulupeau, Gilles Habiche, Carine Arnoult, Gregory Koch, Sandrine Bardoux, Sylvain Touleron, Sandrine Belot — membres du CSE Construction.
(Complément – CGT) : alternatives juridiques qui auraient pu être proposées
La CGT aurait pu proposer :
● Renforcer le rôle de la branche (CCN Syntec) : limiter les dérogations locales en matière de rémunération.
● Rejeter les accords « offensifs » visant à réduire les droits existants.
● Maintenir les primes distinctes, garantissant leur lisibilité et leur évolution.
● Introduire des garanties écrites pour les salarié·es refusant l’APC, interdisant toute discrimination.
● Renforcer la consultation du CSE et imposer des avenants individuels.
● Créer un comité de suivi de l’APC, incluant syndicats et direction, pour surveiller les effets réels de l’accord.
● Mise en coordination des élus des filiales, pour une stratégie commune lors des négociations futures.